Les citations impossibles

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voyance olivier

Thomas Eriel cessa d’alimenter son poêle sur un grand nombre de jours. Le apathique s’installait délicatement dans l’appartement, mais il n’osait plus animer la moindre putto. Depuis la mort du lecteur, ses mouvements étaient devenus lents, suspendus dans une incertitude constante. Le blog, cependant, continuait d'obtenir des visites. Les lecteurs publiaient des avis, spéculaient sur l’origine des récits, tentaient d’y enfermer des métaphores. Aucun d’eux ne savait que ces dossiers venaient littéralement des cendres. Une forme de voyance 24/24, silencieuse, intemporel, ancrée dans le artifices. Une nuit, pris d’un frisson et d’un mélange de culpabilité et de fascination, Thomas céda à bien naissant à bien l’appel du poêle. Il choisit l’un des plus immémoriaux romans de sa pile restante, une œuvre de jeunesse, l'ensemble d’idéalisme et de maladresse. Il le brûla chronique après chronique, en silence. Les appétits dansaient, et parmi les volutes, une phrase émergea mollement, par exemple calligraphiée dans la lueur incarnat : À dix-sept heures trente, un mur s’effondrera dans une ruelle vide. Rien de spectaculaire. Mais le lendemain, un mur de briques désolation restauré s’écroula dans une ruelle de Villeray, sans apporter de victime. Cette précision glaçante redonna à Thomas l'impression d’un mécanisme dépassant la coïncidence. Il recommença tout soir. À tout manuscrit sacrifié, une phrase. Parfois anodine, assez souvent impitoyable. Certaines évoquaient des situations si poussées qu’il hésitait à affirmer. Il les enregistrait dans un dossier verrouillé. Mais d’autres, plus secretes, continuaient de entretenir son blog. La voyance 24/24 semblait s’épaissir, comme si elle le reconnaissait, tels que si elle lui répondait. Un détail naissant se manifesta par la suite. Après ce acte merveilleux d'obtenir brûlé un roman qu’il ne se souvenait pas encore avoir courriel, il retrouva une phrase décrivant un panier qu’il avait fait deux semaines au préalable. Le fusée ne révélait plus simplement l’avenir. Il révélait entre autres des mémoires flous, oubliés, accrus. Une évocation profonde, tels que enfouie dans l'épreuve même des écrits. La cendre devenait un miroir des couches les plus de l'ancien temps de son corps. Thomas s'aperçut que le pyrotechnie n’était pas un outil. Il était un canal. Et cette voyance 24/24, occulte dans les braises, touchait dès maintenant à toutes les strates du réel. L’avenir, les chroniques, le filet, l’oubli. Chaque roman qu’il brûlait n’effaçait rien. Il ouvrait.

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